Volle Gas : Dans le cadre des projets actuels et à venir, MSF-OCB devrait réaffirmer notre engagement à fournir des soins aux survivants de torture en planifiant nos opérations sur le long terme, sur une base pluriannuelle, afin de fournir le modèle de soins interdisciplinaire, global et axé sur les patients dont les survivants ont besoin.
Contexte et explication : Depuis 2013, l’OCB a décidé d'investir et de s’impliquer dans des projets visant à fournir des services de réhabilitation médicale aux survivants de torture en Égypte, en Italie et en Grèce.
Compte tenu de ce qui suit :
- La riche expérience médicale et opérationnelle accumulée dans les projets mentionnés ci-dessus (et, en même temps, les réalités contextuelles et opérationnelles différentes de chaque projet).
- La nature de notre travail dans le cadre des projets en faveur des survivants de torture :
- La torture est différente des maladies, des catastrophes naturelles et des traumatismes de guerre. La torture n’est pas une maladie du patient, mais une « maladie » du pouvoir – un outil dont nous traitons les effets sur les victimes. La torture vise à établir des hiérarchies et à induire la soumission, afin de manipuler les victimes et de les rendre, elles et leurs communautés, plus dociles. Dans le cadre de notre travail avec les survivants de torture, nous combattons aux côtés des victimes cette perversion du pouvoir et les souffrances qu’elle provoque à différents niveaux. Cette souffrance est à la fois psychophysique et existentielle et devient dans la plupart des cas chronique avant même qu’un processus de réhabilitation ne soit enclenché, ce qui rend ce processus plus long et plus compliqué.
- La réhabilitation est, par défaut, un processus de longue durée qui exige une approche interdisciplinaire. La réhabilitation des survivants de torture ne fait pas exception et requiert un plan global qui répond aux besoins médicaux, psychologiques, légaux et sociaux des survivants.
- Il ne faut pas faire preuve de précipitation à l’heure de traiter un traumatisme lié à la torture. Les interventions doivent être soigneusement planifiées afin d’éviter tout nouveau traumatisme. Tout processus de réhabilitation inachevé risque d’entraîner des dommages chez les survivants.
- Les survivants de torture ont perdu leur sentiment d’appartenance à l’humanité. La réhabilitation de ces patients demande de l’énergie, du professionnalisme et un accompagnement dans le combat qu’ils mènent pour reconquérir leur santé, leur dignité humaine et leurs droits fondamentaux. Il s’agit d'une lutte qui demande engagement et continuité.Ces projets existent déjà depuis plus de cinq ans et montrent la nécessité d’un engagement à long terme, même s’ils manquent actuellement de reconnaissance et de capacité, administratives et opérationnelles, pour le refléter.
- La responsabilité éthique d’avoir une approche à long terme, qui découle du fait que MSF est l’un des seuls acteurs à fournir des soins de réhabilitation aux survivants de torture dans les pays susmentionnés, où la demande de soins excède très largement les capacités de soins.
- Les perspectives opérationnelles de l’OCB pour 2018-2021 eu égard aux services fournis aux survivants de torture (Operational Prospects of OCB for 2018-2021, p. 25).
MSF-OCB devrait capitaliser sur les connaissances acquises dans le domaine des soins fournis aux survivants de torture en élaborant, encadrant et développant des projets en faveur des survivants de torture avec une approche de planification de longue durée en termes de vision et de stratégie, d'objectifs et de résultats escomptés, d’engagements en matière de finances et de ressources humaines et d'organisation opérationnelle (guidelines et protocoles).
La planification à long terme fournira le calendrier et l’engagement indispensables à ce qui suit :
- Des ressources humaines stables, avec un taux de roulement faible aux postes de direction, mais également aux postes cliniques et opérationnels. Cela permettra de garantir la continuité de la vision et des priorités en matière de gestion et d'opérations, de bâtir une équipe solide, expérimentée et spécialisée qui assurera des soins de qualité et la formation des nouveaux venus, et de planifier la formation et la supervision du personnel de sorte à éviter les burn-out.
- Une stratégie de plaidoyer qui prévoira suffisamment de temps pour comprendre pleinement le contexte politique et opérationnel, de sorte à mieux aborder et traiter la réalité politique, sociale et légale des pays, sensibilisera les organisations médicales et les acteurs humanitaires à la torture et habilitera les survivants à plaider leur propre cause et à jouer un rôle actif dans l’élaboration de leurs programmes de soins et des projets de MSF en faveur des victimes, afin qu’ils répondent à leurs besoins.
- Un suivi et une évaluation qui permettront de développer des outils de suivi spécifiques, de mesurer plus efficacement les effets de nos activités, de veiller à la prise en compte et
- à l’intégration du feed-back des patients dans l’élaboration et la planification des projets.
- De la recherche opérationnelle qui pourra inclure des études longitudinales des effets de nos interventions sur une longue période, qui renforcera notre réponse médicale et viendra enrichir la littérature en libre accès sur les soins destinés aux victimes de torture.
- Une stratégie de sortie complète et bien planifiée et une transmission à un partenaire/successeur de confiance bien établi et expérimenté.
- Tant pour les projets actuels que pour les projets futurs.
Les bénéficiaires finaux seront nos patients, qui bénéficieront d'un modèle de soins holistique, sûr et moderne plus conforme à leurs besoins spécifiques.
Contenu fusionné de propositions de motion émanant des FAD en Égypte et en Grèce et de l'AG de MSF-Italie